Découverte des Isles de la Révolution aux Iles Marquises
Après
5 mois de mer "le Solide" arrive aux Marquises
aux Iles Christine (iles de Tathuata dans la baie de Vaitahu), le 14 juin 1791.
L'acceuil n'y est pas chaleureux:
"Nous passâmes la journée à nous
amarrer sans permettre aux naturels de monter à bord, de peur de vol,
peu s'en fallut que cette précaution que nous crûmes aussi nécessaire
pour ne pas augmenter nos embarras à bord, et nous procurer la tranquilité
dont nous avions besoin, ne devint funeste aux habitans. Ceux d'entre eux qui
avaient apporté des fruits à pain, des cocos, et autres choses,
voyant que nous ne faisions aucun échange et que nous ne permettions
pas même à leurs femmes de monter à bord, se livrèrent
à toutes sortes d'excès, après avoir volé tout ce
qui était à leur portée, ils nous jetèrent des cocos,
des fruits à pain, des bâtons dont plusieurs de nous furent atteints.Ils
frappèrent même dans nos embarcations quelques matelots qui se
plaignirent qu'on les laissat égorger sans défense.
Cependant on avait tiré deux coups de canon,
dont ceux à poudre et l'autre à toute volée, pour essayer
de réprimer leur audace par l'appareil de nos armes; mais loin de réussir,
nous nous apperçumes avec chagrin qu'ils prenaient notre modération
pour de la crainte, ou que les coups n'ayant frappé personne ils ne nous
croyaient pas redoutables. Leur insolence augmenta au point qu'ils vinrent jusque
sur l'avant du navire enlever la poupe et un deux menaça de sa lance
le capitaine qui, jusqu'alors, balancé entre la crainte d'en tuer, et
le soin de notre propre défense, différait toujours de donner
l'ordre de faire feu, céda enfin aux cris des matelots et aux représentations
des officiers, et coucha en joue celui qui était le plus opiniâtre
à nous harceler. Son fusil n'ayant pas fait feu il en partit sur le champ
deux ou trois sur le même individu qui ayant entendu siffler les balles
sans en être blessé se retira à la hâte: les autres
partirent à son exemple et nous laissèrent la tranquilité
que nous désirions."......
"Les échanges
continuèrent avec tranquilité et bonne foy de part et d'autre;
mais nous ne pûmes nous procurer ni cochons ni volailles, mais nous pûmes
nous procurer des coquillages, en draguant. Les échanges de cocos etc...
se faisaient contre des clous, des verroteries. Les femmes restèrent
toutes la journée à bord et ne quittèrent qu'à la
nuit."
"A part l'inclination de ces peuples pour le vol, on
peut les regarder
comme les plus doux, les plus humains et les plus généreux
peut-être qui existe dans les mers du Sud. Leur complaisance et leur affabilité
feraient honneur au peuple le plus policé de l'Europe; quand a leur figure,
nous avons vu, comme Cook la dépeint sans exagération, que c'est
une des plus belles races d'hommes qui habitent la terre."
"Il faudrait de
plus longues habitudes avec eux pour pouvoir expliquer toutes les contradictions
apparantes de leur conduite, car à une ardeur incroyable pour le vol
ils joignent une douceur et une cordialité peu commune ainsi qu'une fidélité
rare; dans les échanges aucun que je sache n'a essayé d'emporter
la marchandise après en avoir reçu le prix. J'ignore jusqu'à
quel point les propriétés sont sacrées parmis eux, mais
j'ai observé non seulement, que plusieurs remettaient fidèlement
les clous, verroteries et autres objets à ceux à qui ils étaient
destinés, que jamais ils n'ont essayé de se reprendre les uns
aux autres les choses qu'ils nous apportaient, mais même qu'ils se donnaient
mutuellement les divers effets qu'ils avaient acheté de nous un instant
auparavant au prix de ce qu'ils avaient de plus précieux; et que quand
l'un d'eux avait réussi à nous voler quelque chose, il le faisait
passer subtilement de la main à la main sans regarder même à
qui ils le remettaient."
femme tatouée
"Ils sont
bruyans, ont la voie forte et sonore, la poitrine et les épaules larges,
les cuisses fortes et musculeuses, les jambes bien faites, le pied large probablement
par l'usage de marcher pieds nus. Ils se tatouent ou marquent le corps plus
ou moins; les enfants de dix ou douze ans point du tout. Ces différences
résultant de l'age, du courage ou de la naissance, peut-être ces
trois motifs y influent.
Le tatouage consiste en une opération que font
certains hommes avec de petits morceaux d'écaille qu'ils enchassent en
forme de marteau dans un morceau de bois de six ou huit pouces de longueur et,
aprés en avoir enduit les pointes d'une matière noire qui ne paraît
être autre chose que du charbon délayé dans de l'eau, ils
frappent à petits coups avec une baguette de casuarinas sur le manche
du marteau et font enter les pointes jusqu'au vif; ce qui occasionne une légère
inflammation à la suite de laquelle la partie reste gonflée encore
quelques jours sans beaucoup de douleur. La figure, les épaules, la poitrine,
et enfin toutes les parties du corps présentent différentes figures
soit cercles exacts, quart de cercle, lignes droites, échequiers, quarrés
simplifiés, d'autres croisés en différens sens, losanges
etc... qui sont peut-être une écriture hyérogliphique."
"Ils sont nus et pour concerver au gland
toute sa sensibilité, ils le tiennent avec le prépuce qu'ils lient
aprés l'avoir tiré en avant. Je ne leur crois aucune idée
de décence, leurs gestes étant très libres et très
expressifs, mais beaucoup de rafinemens, de volupté les ayant vu prendre
dans l'eau avec les femmes toutes les attitudes et les situations nécessaires
à l'acte de la propagation, les variant à l'infini sans pudeur."
"Le plus grand nombre de ceux que nous avons vus portent
pendus au col un petit ornement de pierre polie de forme conique et une espèce
de chapelet fait avec des gousses d'un fruit de la forme de l'ananas mais que
je ne leur ai pas vu manger. Leur tête est ornée quelquefois d'un
demi-cercle de plumes de coq tressèes ensembles, d'autre fois d'une espèce
de visière de casque recouverte d'étoffe blanche sur lesquelles
ils traces en noir diverses figures. Il y en a d'autres qui portent un bandeau
auquel ils attachent de larges coquilles dont le centre est garni d'écailles
travaillées à jour ce qui imite assez la forme de nos cocardes.
Ils mettaient au rang de leur plus précieux ornement tout ce que nous
leur donnions ou même ce qu'ils nous volaient. Ils attachaient tout à
leur col ou à leur ceinture sans se mettre en peine de mieux le cacher.Nous
en avons vu avec un plat à barbe, des morceaux de bois, une baguette
de fusil.
Ils parent aussi leur tête, leur jambe et même
une espèce de javelot mousse, des tresses de cheveux probablement de
leurs ennemis.Ils portent à la ceinture et sur les épaules , un
deux quelques fois trois tête de morts qu'ils nous ont offert comme article
d'échange. Leurs cheveux sont arrangés de diverses manières,
les uns ont le sommet de la tête rasé, les autres les tempes, les
uns les portent lisses, les autres crepés ou embrouillés mais
aucun ne paraissaient les avoir dans toute leur longueur, l'usage le plus ordinaire
est de les réunir sur les parietaux et d'en former deux espèces
de cornes. Ceux qui portent la barbe ont soin d'y mêler divers ornements
tels que de petits coquillages, par la suite ils y joignirent les grains de
verre que nous leur avions donnés."
"Plus jolies que belles, les traits des femmes n'ont pas la régularité de ceux des hommes qu'elles surpassent toutes en blancheur quoyque nues comme eux elles soyent aussi souvent dans l'eau, leur couleur est uniformément la même, les yeux de quelqu'unes ont de la vivacité et marquent de l'intelligence, leurs dents sont belles, le sein est ferme et bien placé chez les jeunes mais il tombe et se fletrit de bien bonne heure. Elles portent leurs cheveux sur toutes leur longueur, j'ignore si elle se rasent toutes les parties de leur corps, mais il est certain qu'il y en a peu dont les parties naturelles soyent garnies. Je ne sais pas non plus si elles mangent avec les hommes et conséquemment le rang qu'elle tiennent dans la société, mais si j'en ai vu maltraitèes avec brutalité même à coup de bâton, plusieurs de nos gens en ont vu battre des hommes pour les avoir fait partir avant de leur avoir laissé éprouver l'effet de leurs charmes."
"Il paraît
qu'ils ont entre eux quelques guerres à soutenir car ils ont de longues
piques de bois bien éffilées, des masses, des sabres faits en
forme de nos avirons et des frondes mais nous n'avons vu ni arcs ni flèches."
"Tous les ustensiles que nous avons vus consistant:
en calebasses de différentes capacités qu'ils ferment assez hermétiquement
pour qu'elles ne
laissent pas échaper, le liquide qu'ils y mettent;
en haches de pierres liées fortement à un manche de bois en forme
de nos pioches; des pierres à broyer; en nattes sur lesquelles ils se
couchent, en plats de bois ronds, ovales, de différentes grandeurs et
bien faits; en ligne de pêche assez industrieuses, en cordes torses et
nattées, qu'ils nouent comme nous, faites les unes avec le brou du coco
qu'on appelle caïre en Inde, les autres avec l'écorce d'une espéce
d'ortie; leur filet pour la pêche le carrelet et la ligne sont exactement
maillés et faits comme les nôtres, mais l'hameçon est de
nacre de perle dans cette forme w, le harpon est d'os trés grossièrement
travaillé."
"Je n'ai vu dans cette isle d'autres animaux qu'une espèce de cochon petite mais succulente, des volailles faibles et en petites quantités, des rats en grand nombre, des lézards, des oiseaux de mer semblables à des hirondelles, des hérons, deux ou trois espèces d'oiseaux de terre... Je crois que les requins sont trés rares dans ces parages, n'y en ayant pas vus et n'ayant pas appris qu'ils ayent causé aucun acciden quoy que la mer fut continuellement couverte d'insulaires."
Découverte
des Iles de la révolution
"Nous appareillâmes dans la nuit du 20 au 21 juin 1791 de l'isle de Sainte Christine et fîmes route du coté où nous avions cru voir la terre lorsque nous étions à l'ancre, nous découvrimes bientôt après le lever du soleil, une isle trés haute que nous appelâmes du nom de notre capitaine: isle Marchand (aujourd'hui Ile de MOHOTANI au sud de HIVA OA) parceque nous croyons être assurés qu'aucun navigateurs avant nous ne l'avaient aperçue puisque tous marquent les terres qu'ils ont reconnu les plus proches à environ quatre cents lieues de là.(...) Quand la proximité de la terre principale nous permit de remarquer les objet, nous fûmes très satisfaits du coup d'oeil que nous présentaient des vallées et des coteaux sans nombre, couverts de la plus agréable verdure et chargés d'arbres vigoureux; l'aspect de l'ensemble est on ne peut plus different de celui des Marquises."
" Les habitans,
semblables aux premiers hommes de l'Age d'Or, jouissent tranquillement des dons
abondans de la nature et parviennent à une grande vieillesse. Ne sachant
ni qui nous étions ni quels étaient nos desseins, ils vinrent
cependant au devant de nous sans crainte et sans armes avec la plus grande confiance,
preuve presque certaine qu'ils n'avaient presque jamais entendu parler des Européens,
ni de leurs armes redoutables.
De respectables vieillards conduisans par la main de
jeunes filles timides venaient nous les présenter comme le signe le plus
assuré et le gage le plus sacré de l'hospitalité qu'ils
nous accordaient. Ces
jeunes victimes d'un devoir si saint obéissaient en tremblant et
les yeux baissés aux ordres de leurs parens. Qu'on se garde bien de croire
que l'intérêt les conduisit, ils n'avaient aucune connaissance
ni de nos jolis colifichets, ni de notre fer qui fait tourner toutes les têtes
aux habitans des isles connus. Ils acceptaient nos dons sans empressement et
sans dédain. Comment peindrai-je le contraste frappant qu'offrait à
mes regards un peuple si doux, si paisible dont aucun n'avait la moindre apparence
d'arme et qui me témoignait sa surprise que par son silence, avec l'acceuil
bruyant, l'ardeur pour le vol que nous avons éprouvé de la part
des habitans des Marquises. Egallement grands, égallement forts, leur
beauté n'est pas la même, nuds comme tous les peuples de ces climats,
l'élégance des formes et la perfection des contours de leurs membres
ne nous ont pas échappé et si quelque chose manque à leur
phisionomie c'est cet air que donne le courage ou l'habitude des guerres et
des passions violentes."
"Hé plut à Dieu qu'ils eussent toujours concervé cette ignorance qui faisait leur bonheur; mais voeux superflus et trop tardifs, l'air empoisonné et contagieux de l'Europe qui n'aurait dû être respiré que par le vicieux a soufflé sur ces contrées et fera maudire le jour où nous avons abordé sur ces côtes."
"Nous attachâment l'inscription:
"Si le capitaine se servit dans ce moment des mots "pris possession" ce n'est pas qu'il n'en connût très bien le ridicule puisque nous avions dit plusieurs fois que dans diverses occasions que la philosophie ayant éclairé les peuples, on concevait qu'aucun n'avait le droit de s'emparer d'une terre habitée sans le concentement de ses habitans, mais en se conformant à l'usage il donnait à ces insulaires un protecteur capable de les mettre à couvert de l'oppression si quelque nation européenne tentait jamais de les asservir."
"(...) notre route
nous conduisit vers deux rochers entierement déserts et habités
seulement par des oiseaux, auprès de l'un desquels nous passâmes
à la distance seulement d'une demie-lieue. Ils ont été
nommés "les deux Frères" (aujourd'hui
Ile de MOTUITI au
nord de NUKU HIVA). Le même jour nous découvrîmes
encore deux isles, à la plus Ouest desquelles nous donnâmes le
nom d'isle Masse (aujourd'hui Ile
de EIAO) de celui de notre second capitaine
et celui de Chanal ( Ile
de
HATUTU ou HATUTA'A
proche des EIAO) fût donné à
celle qui est à l'Est. Le groupe entier fût appellé le GROUPE
DES ISLES DE LA REVOLUTION en mémoire
de l'un des plus grand évènement de notre siècle. A midi
nous avons célèbré la dédicace par plusieurs "santé".
De nos jours les Iles de la Révolution ne sont
plus habitées.