Le
26 novembre 1791, le Solide arrive à Macao,
ville occupée par les portugais.Son gouvernement est soumis immédiatement
à la vice-royauté de Goa.
"Macao est une assez jolie ville assise sur le sommet
et la pente d'une colline peu élevée dominée par quelques
autres qui forment la pointe méridionale d'une presqu'isle jointe à
une plus grande par un banc de sable peu profond; elle peut avoir cinq mille
de circonference. En face se trouve dans la direction de l'Est Sud-Est à
peu prés le Tipa, port très vaste et très commode fermé
par plusieurs isles et où les plus grands vaisseaux sont en sûreté,
à l'Ouest elle a un petit port qui peut recevoir des navires de quatre
à cinq cents tonneaux au plus et qui touchent sur la vase. Son entrée
qui est au Sud n'a pas plus de trois cent toises (environ
600m)d'ouverture,
dominée par un petit fort peu respectable; au
Nord et au Sud elle est fermée par une muraille d'environ sept pieds
d'épaisseur flanquée de quelques bastions tombans en ruine. Deux
petits forts au Nord un à l'Ouest, un autre au Sud situé sur les
hauteurs qui dominent la ville la protégent ou plus tôt la tiennent
en respect.
Les ruelles sont étroites et assez mal percéesne
sont ornées d'aucun édifice qui mérite ce nom. Les églises
sont bien situées et ont la plus majestueuse apparence (comme l'église
Saint Paul).Les boutiques des chinois offrent un coup d'oeil assez varié
quoy qu'elles ne soyent pas aussi fournies de tout ce qu'on trouve à
Canton.
Les ateliers de menuiserie présentent partout
les preuves de l'activité et du génie de cette nation. La langue
qu'on y parle n'est pas la langue portugaise d'Europe, c'est un idiome composé
de mots français, anglais, indiens etc...Les troupes (d'occupation
portugaises) dont le nombre ne dépassent
pas cent cinquante hommes est tant noirs, mûlatres que blancs.
Un missionnaire qui a parcouru en différens sens plus de quinze cents lieues dans l'intérieur du Royaume, séjournant tantôt ici tantôt là évalue son étendue à huit fois celle de la France et sa population dans la même proporsion, quelqu'autres ont donné des resultats un peu différens, mais de leurs divers rapports on ne peut guerre lui accorder moins de deux cents millions d'abitans. On croira sans peine qu'elle y est immense si en outre on fait attention qu'il y a une loie qui autorise les pères à noyer les femelles dont ils sont surchargés, on aura une nouvelle preuve que dans un pays où il existe une pareille loi la population doit être excessivement nombreuse.
Si la conduite envers les étrangers qui viennent chercher son superflu est vexatoire, si la lâcheté du gouvernement portugais qui souffre toutes ses humiliations, couvre d'opprobe, il n'en sera pas moins vrai de dire que la dépendance absolue dans laquelle cet empire a su tenir les Européens toujours disposés à envahir les posséssions des peuples asiatiques, lui fait infiniment d'honneur; quoique jamais il n'ait employé la force ouverte qui n'est pas conforme à son caractère".
Le capitaine venait à Macao pour y vendre ses precieuses peaux de loutre. Mais l'empreur venait juste d'en interdir le commerce...
LE RETOUR EN FRANCE
Le
Solide quitta donc rapidement Macao, pour se diriger vers l'Isle de France,
où il arriva le 30 janvier 1792.
Son voyage se termina le 14 août 1792 dans le
port de Toulon. Les peaux de loutre fûrent confisquées et rendues
à leurs propriètaires deux ans aprés, mangées par
la vermine!
Voici ce qu'écrit Etienne Taillemite sur ce
voyage:
"Marchand rédigeat de sa main un récit
de son périple, enrichi de cartes, de vue de côtes, de dessins
ethnographiques et même de notations musicales, qui montrent l'étendue
des curiosités de ce marin. Ce texte copieux a été publié
en 1798 par les soins de Fleurieu. Plusieurs compagnons du capitaine ont aussi
tenu des journaux qui nous sont parvenus; parmi eux le second lieutenant Louis
Infernet qui, aprés avoir servi comme officier auxiliaire pendant la
guerre d'Amérique, était repassé au commerce avant d'être
intégré dans le corps des officiers de vaisseau et de se distinguer
brillament à Trafalgar.Son texte qui n'a fait l'objet que d'une publication
trés partielle, a malheureusement disparu. S'inspirant sans doute des
travaux menés par les chirurgiens des expéditions officielles,
celui du Solide, Claude Roblet, a tenu lui aussi un journal historique, un "journal
des maladies et blessures traitées et pansées à bord",
des réflexions sur le tétanos, des "idées sur les maladies
scorbutiques et quelques notes d'histoire naturelles".
Ce voyage purement commercial dans sa conception, et
qui sur ce plan fut un échec complet, présente en revanche un
intérêt certain dans le domaine scientifique car les journaux de
Marchand et de ses compagnons contenaient d'abondantes observations géographiques,
hydrographiques et ethnographiques. A l'évidence, le capitaine du Solide
s'était inspiré des méthodes adoptées par les officiers
de la marine royale et la valeur de son texte en rendait tout à fait
souhaitable la publication."
Jules Verne consacrera également dix pages au
récit de ce voyage dans son ouvrage: "Les grands navigateurs du XVIIIièmes
siècle".